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20 novembre 2011 - SUD-OUEST Dimanche

Les randonneurs de nos paradis

Après « Landes secrètes », Gilles Kerlorc'h et Marc Large signent « Euskadi sacré ».

Auteurs tous les deux, Gilles Kerlorc'h et Marc Large se sont réparti les rôles au cours de leurs randonnées : à Marc les dessins, à Gilles les récits. PHOTO ISABELLE LOUVIER

En théorie, « Euskadi sacré » clôt une trilogie débutée en 2003 par le dessinateur dacquois Marc Large avec « Pyrénées sauvages ». Le Montois au patronyme breton Gilles Kerlorc'h a pris le train en marche l'année suivante, en 2004, avec « Landes secrètes ». Cette année, toujours aux éditions Cairn, les deux Landais sont allés ensemble tutoyer les nuages de l'autre côté de l'Adour et de part et d'autre de la Bidassoa.

Dans leur travail respectif, Gilles comme Marc manie aussi bien le pinceau que la plume, les dessins que les mots. Mais pour leurs escapades communes, les deux « aventuriers » de nos terres se sont clairement réparti les tâches : à Marc les croquis à la hâte et les aquarelles peaufinées à la maison des somptueux paysages traversés, à Gilles les récits de ces épopées, parfois rythmées par un bivouac dans le désert des Bardenas, la forêt des Arbailles, le plateau d'Okabe ou les grottes de Kakuetta.

Carnet de voyages


Préfacé par Peio Serbielle, « Euskadi sacré » n'est pas un guide pratique à la découverte de coins immanquables. Mais un vrai carnet de voyages, avec sa part d'intime dans le choix des couleurs pour décrire un instant précis, et celui des mots pour transcrire au mieux la marche vécue, les détails géographiques et historiques se mêlant aux légendes du cru et aux impressions du moment. « À la sortie de "Pyrénées sauvages", j'avais beaucoup accroché sur les dessins de Marc », commente Gilles Kerlorc'h, auteur notamment de trois tomes sur le secret des îles aux trésors. « Nous partons en randonnée ensemble. Je me sens mieux dans le texte pour ce projet. Nous avons deux styles de dessin très différents et cette répartition permet de garder une homogénéité, tout en racontant les rencontres que nous avons pu faire avec cette envie de montrer que le paradis est à nos portes. On peut s'évader et rêver à côté de chez soi. »

Plus connu pour ses dessins satiriques dans nos colonnes ou celles de « Siné hebdo », Marc Large tient à cultiver ce trait poétique qui lui fait peindre grottes, cascades, ours, fleurs ou vautours avec précision et délicatesse. « Pour moi, c'est une aération, un souffle qui permet de supporter l'actualité quotidienne. »

Farouchement anticléricaux, rageant de voir une borne frontalière s'ériger au beau milieu d'un cromlech millénaire, une croix ou une balise du GR 10 dessinée sur un menhir, les deux randonneurs-auteurs ont pris le risque d'accoler à « Euskadi » l'adjectif « sacré ». « Mais pas au sens religieux classique. Plutôt un retour à une forme d'animisme, une communion paienne et magique qui nous fait aller chercher les sources », reprend Marc Large. « Gilles a une grande connaissance des lieux insolites, inconnus du plus grand nombre. Nous nous retrouvons sur cet intérêt commun pour la mythologie et les peuples qui vivaient en symbiose avec la nature. »

À Gilles Kerloc'h, on demande souvent pourquoi un Breton écrit et dessine sur la terre basque alors que la région qui a enfanté son nom est déjà si riche. « Nous haïssons ces imbéciles heureux qui sont nés quelque part ! » s'insurge Marc Large, Dacquois d'adoption qui a passé ses premières années en Afrique. « On peut aimer un lieu sans prétendre qu'il nous appartient. Ce livre se joue des frontières ! »

En théorie, l'ouvrage clôt donc un cycle. En pratique, il n'est pas dit que les deux amis ne reprennent très vite leurs chemins de traverse un de ces quatre matins, des carnets et des pinceaux dans le sac à dos.

« Euskadi sacré - Croquis sur le vif » de Marc Large et Gilles Kerlorc'h, éditions Cairn, 28 €.

 

Emma Saint-Genez

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