Les
randonneurs de nos paradis
Après
« Landes secrètes », Gilles Kerlorc'h et
Marc Large signent « Euskadi sacré ».
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Auteurs
tous les deux, Gilles Kerlorc'h et Marc Large se sont
réparti les rôles au cours de leurs randonnées
: à Marc les dessins, à Gilles les récits.
PHOTO ISABELLE LOUVIER
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En théorie,
« Euskadi sacré » clôt une trilogie
débutée en 2003 par le dessinateur dacquois Marc
Large avec « Pyrénées sauvages ».
Le Montois au patronyme breton Gilles Kerlorc'h a pris le train
en marche l'année suivante, en 2004, avec « Landes
secrètes ». Cette année, toujours aux éditions
Cairn, les deux Landais sont allés ensemble tutoyer les
nuages de l'autre côté de l'Adour et de part et
d'autre de la Bidassoa.
Dans leur travail
respectif, Gilles comme Marc manie aussi bien le pinceau que
la plume, les dessins que les mots. Mais pour leurs escapades
communes, les deux « aventuriers » de nos terres
se sont clairement réparti les tâches : à
Marc les croquis à la hâte et les aquarelles peaufinées
à la maison des somptueux paysages traversés,
à Gilles les récits de ces épopées,
parfois rythmées par un bivouac dans le désert
des Bardenas, la forêt des Arbailles, le plateau d'Okabe
ou les grottes de Kakuetta.
Carnet de voyages
Préfacé par Peio Serbielle, « Euskadi sacré
» n'est pas un guide pratique à la découverte
de coins immanquables. Mais un vrai carnet de voyages, avec
sa part d'intime dans le choix des couleurs pour décrire
un instant précis, et celui des mots pour transcrire
au mieux la marche vécue, les détails géographiques
et historiques se mêlant aux légendes du cru et
aux impressions du moment. « À la sortie de "Pyrénées
sauvages", j'avais beaucoup accroché sur les dessins
de Marc », commente Gilles Kerlorc'h, auteur notamment
de trois tomes sur le secret des îles aux trésors.
« Nous partons en randonnée ensemble. Je me sens
mieux dans le texte pour ce projet. Nous avons deux styles de
dessin très différents et cette répartition
permet de garder une homogénéité, tout
en racontant les rencontres que nous avons pu faire avec cette
envie de montrer que le paradis est à nos portes. On
peut s'évader et rêver à côté
de chez soi. »
Plus connu pour ses
dessins satiriques dans nos colonnes ou celles de « Siné
hebdo », Marc Large tient à cultiver ce trait poétique
qui lui fait peindre grottes, cascades, ours, fleurs ou vautours
avec précision et délicatesse. « Pour moi,
c'est une aération, un souffle qui permet de supporter
l'actualité quotidienne. »
Farouchement anticléricaux,
rageant de voir une borne frontalière s'ériger
au beau milieu d'un cromlech millénaire, une croix ou
une balise du GR 10 dessinée sur un menhir, les deux
randonneurs-auteurs ont pris le risque d'accoler à «
Euskadi » l'adjectif « sacré ». «
Mais pas au sens religieux classique. Plutôt un retour
à une forme d'animisme, une communion paienne et magique
qui nous fait aller chercher les sources », reprend Marc
Large. « Gilles a une grande connaissance des lieux insolites,
inconnus du plus grand nombre. Nous nous retrouvons sur cet
intérêt commun pour la mythologie et les peuples
qui vivaient en symbiose avec la nature. »
À Gilles Kerloc'h,
on demande souvent pourquoi un Breton écrit et dessine
sur la terre basque alors que la région qui a enfanté
son nom est déjà si riche. « Nous haïssons
ces imbéciles heureux qui sont nés quelque part
! » s'insurge Marc Large, Dacquois d'adoption qui a passé
ses premières années en Afrique. « On peut
aimer un lieu sans prétendre qu'il nous appartient. Ce
livre se joue des frontières ! »
En théorie,
l'ouvrage clôt donc un cycle. En pratique, il n'est pas
dit que les deux amis ne reprennent très vite leurs chemins
de traverse un de ces quatre matins, des carnets et des pinceaux
dans le sac à dos.
« Euskadi sacré
- Croquis sur le vif » de Marc Large et Gilles Kerlorc'h,
éditions Cairn, 28 €.
Emma
Saint-Genez